vendredi 11 août 2017

En revenant de Russie-Mexique encre et papier



Je suis revenu dans ma ville familière jusqu'aux sanglots,
Jusqu'aux ganglions de l'enfance, jusqu'aux nervures sous la peau.
Tu es de retour, avale donc d'un trait
L'huile de foie de morue des lanternes de Leningrad sur les quais !
Ossip Mandelstam



Russe garçon russe ou suisse ou égaré dans la forêt des brumes
Celle où tu mourras seul
Seule aussi
Celle où la brume a couleur de soufre
Où tu mourras de froid
De faim aussi
Sans pouvoir dire un seul mot de gel

Fille russe ou suisse égarée dans la forêt des sombres
Voilà ce qui reste sur la table du Mexique après le repas
Viandes mortes d’où le sang a tari de froid
Balles de révolver en guise de bagues aux doigts
Cheveux de phalène emmêlés
Corps sans os ni chair ni regard

Russe fille et garçon dans la forêt des songes-renards
À marcher sans cesse en rond du mal au cœur
À dire je veux rentrer à la maison
Mais le chemin a disparu
Comme toi comme nous dans le camp de marbre
Au bout de la route de sable et de cendre
Dont le nom d’enfance était Sibérie
Et a durci dans la mémoire
En retard de si loin
Que tout s’est vidé
Comme un verre
De vieille vodka

Russe
Tu l’es
À force
De ruse
À user
Les mots

Un nuage de femmes plane au-dessus de ta tête
Et tu n’as qu’à lever les yeux pour retrouver
La bien-aimée mais tu refuses de voir
Celle qui t’est donnée



Ruse garçon ruse fille entourés nous sommes de femmes armées
De faucilles et de marteaux
Prêtes à découper des livres de chair
Dans nos ventres fragiles
Et sur nos corps troués vider un peu de l’alcool de glace
Qu’elles emportent partout avec elles
Pour payer la dette que jamais nous ne pourrons
Rembourser

La Russie vaste ventre où creuser sa tombe
Dit l’une d’entre elles et elle nous assène le premier mot mortel
Celui qui arrache le cœur avec le verbe
Et laisse sans voix
Le garçon que vous êtes
Certains soirs de taïga
Dans la brume grise
De votre mélancolie
Ancienne

Seule Mexique à tirer à tu et à toi sur la steppe
Tu tentes de te mettre debout et tombes
À genoux devant la kolkhozienne
Dont le rire transperce les distances
Sans pitié


Russe usée vagabonde rusée tu files loin de nous
Ta route de steppes et de rivières-vodka glacée
Pour nous donner désir de courir à ta suite !





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