dimanche 12 février 2017

"...dans une petite gare où fuient les génies..."..."le cerisier était mal baptisé..."

Ca commencerait avec ces deux morceaux.
La petite gare sous la neige, je la connais.
Et le cerisier mal baptisé, je le connais aussi.
Il est question ici de mots et de comment les donner à ceux qu'on aime.
Popescu (le cerisier) écrit : "Le mot mystère ne devrait pas exister."
Il l'écrit en français. Pas d'ambiguité, pas de secret. Plus loin, il dit encore qu'il s'intéresse aux arbres et aux mots, au cerisier-pyramide et à ses petits,  notre vie, écrit-il, peut être comprise en un seul mot.
Chappaz (la gare) sait que sa femme morte résiste dans les livres qu'elle a écrits, "l'à jamais de la personne" réside là dedans.
L'un n'a guère quitté sa terre étroite, s'y est inscrit, s'en est nourri, a engrangé les mots de ce pays dans le Livre de C.
L'autre, Marius Popescu, a quitté son pays, le jardin de la grand-mère, le cerisier, les paquets de 12 cigarettes à envoyer au grand-père maternel en prison, celui pour lequel ne comptait que les mots et qui, à cause de cet amour étroit, a rendu malheureux ses proches. À la différence du grand-père paternel qui, tout en servant la soupe à son petit-fils Marius, réfléchissait à ce qui fonde nos vies: "... nous savons, les deux, que chaque mot est plus incandescent et lourd qu'une météorite."

dessin SD

Une rafale de vent secoue violemment la haie.
Le jardin se met à remuer comme si la terre elle-même agitait arbustes et branches.
Une volonté souterraine à l'oeuvre?
Tel le doigt de l'enfant qu'il agite pour dire non comme on le lui a appris pour lui interdire certaines choses.
Mais on n'interdit rien au vent, ni à la terre.

La petite gare se trouve à Montricher, non loin d'une bibliothèque merveilleuse.
Une fois, je suis allée y chercher une belle personne qui arrivait de Genève.
J'étais en compagnie d'une autre belle personne.
Comme si m'avait été donné le droit d'être, grâce à elles, une habitante des jardins.
Et la légitimité à être là, dans une voiture rouge, malgré le chien blond dans le coffre.

Montricher est un endroit de lisière. De forêt, de langue, d'amitié. Et je ne souhaite qu'une chose, attendre encore mes amies devant la petite gare. C'est ce qui donne son mouvement à l'encre noire et fait bouger la haie, devant moi, de l'autre côté de la fenêtre.

On peut venir jusqu'ici avec un autobus.
Et descendre tranquillement, sa valise de sanpatri à la main,  pour rejoindre la petite chambre d'écriture qui ouvre sur un jardin avec un unique cerisier.
Quand l'autobus repart, la forêt le salue et reprend sa chanson solitaire.
Et vous et moi, reprenons le chemin qui grimpe vers le village, le coeur plein de gratitude pour ceux qui nous ont permis d'entrevoir dans le paysage une entrée possible, entre les mots, ceux de Popescu par exemple, ou de Chappaz.

De compagnie.

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