jeudi 29 août 2013

Louis-René Desforêts, un récit pour Bosseigne, Avignon 1993





UN MALADE EN FORÊT





Un titre en appel.
Comme la voix se serre en annonçant la mauvaise nouvelle.
Et ce titre, et ce nom, et aussi le souvenir d’un malaise  lors d’une lecture de l’auteur.
Eté 1990.
Je glisse de la chaise, en proie à une faiblesse insurmontable.
La voie des hommes, celle des femmes.
Je me souviens de la voix de L.R. des Forêts, l’auteur de la nouvelle. Un jeune homme élégant et retenu. Un vieux monsieur.
Son nom en écho de mon prénom.
La voix des hommes.
La voix des femmes qui se veut juvénile et séductrice, puis mauvaise et sévère. Puis toutes à la fois. La voix des mères dans la voix des jeunes filles s’imbriquant, se noyant, ensemble.
La voix de Des Forêts reste celle d’un jeune homme. D’une rectitude solitaire.
Je l’entends. Je la vois. Un timbre net et juvénile.
Et le corps également, mince et élancé. Je les vois ensemble.

Un malade en forêt, ou comment ne pas se débarrasser d’une obstination obsédante ?
C’était ce texte que je désirais lire.
Lui tout de suite. J’avais lu Le Bavard, Ostinato, Les Mendiants, Les mégères de la mer.
Une sorte d’urgence soudaine. Comme on se précipite sur un médicament en cas de migraine.
Lire Un malade en forêt.
Peut-être en écho d’un des premiers romans lus à l’adolescence, en cachette de ma mère, La montagne magique, de Thomas Mann. En cachette parce que je pensais y lire une vérité insoutenable que ma mère n’aurait pas voulu que je découvre. Peut-être la maladie dans la nature, une impossible alliance que représentait le sanatorium où mouraient des gens comme nous. Plus riches sans doute, mais tout aussi fragiles. Et la montagne ne parvenait pas à les sauver.
Un malade en forêt, se trouve, m’apprend-on, dans le recueil La chambre des enfants.
C’est le titre d’une des nouvelles. Et aussi le lieu où se retirer quand il fait trop chaud, dehors, en été. Quand l’angoisse se fait lourde, rendant impossible les déplacements, il suffit de monter s’allonger dans la chambre des enfants dont les volets ont été tirés.  Les draps sont frais. Voilà ce que je vois, en chuchotant le titre que je lis sur la couverture du livre emprunté à la bibliothèque.
Debout à côté de la porte.
Ce temps est le temps arrêté, celui de notre jeunesse, nous, les enfants, nous, les jeunes parents. Et puis, rien.
Louis-René des Forêts est mort en 2000.  Dans la biographie qui ouvre le livre que j’ai sous les yeux, il n’y a pas de date de naissance.  D’autres dates sont données qui jalonnent l’existence de l’écrivain.  Cependant on n’y trouve pas la date de son mariage, ni celle de la naissance de ses enfants, et encore moins la date de la mort de sa fille.
Dans le recueil La chambre des enfants,  réédité chez Gallimard dans la collection L’Imaginaire, ne figure pas la nouvelle que je voulais si ardemment lire. L.R. des Forêts a décidé de la séparer de l’ensemble. Restent la chambre, le chanteur, l’image dans le tapis.
Mais le malade a fui et la forêt reste introuvable.
La première histoire, Les grands moments d’un chanteur, rappelle Joséphine, la souris cantatrice de Kafka. Et part du chant, mais aussi d’une voix qui fut « la plus belle du siècle», voix dont le narrateur suppose qu’elle devait son excellence et sa supériorité à un bouleversement organique, une maladie. D’ailleurs cette voix n’acquiert une identité que très vague. On ne saura jamais exactement qui fut ce Molieri dont la voix enchanta puis déçut les mélomanes amateurs d’opéra et dont le nom évoque Molière, Mozart et Salieri.  Un imposteur ? Dans le récit, la femme amoureuse l’était de la voix et pas de l’homme, aussi Des Forêts la montre à la fin du récit en veuve « éclatante  et funèbre…à qui une belle voix avait été si chère qu’elle en portait le deuil ».
Là aussi réapparaît le thème de la forêt : Molieri interprète Caspar, le forestier du Freischütz de Carl-Maria von Weber. Maladie et forêt, ensemble avec la voix, tracent la géographie du récit. Et revient au premier plan la nouvelle manquante dont le titre m’avait enchantée.
Un des textes les plus connus de L.R des Forêts est Le Bavard.
Encore une fois la voix. Voix d’un homme.
Comment oublier ce qui se produisit lors de la représentation donnée dans le cadre du Festival d’Avignon en 1993 ?
En 1985, Fata Morgana réédite Un malade en forêt séparément, conformément à la volonté de l’auteur.  Huit ans plus tard, en Avignon, sont montés simultanément Les grands moments d’un chanteur, interprété par Pierre Leenhardt et Le Bavard, interprété par Charles Berling, mis en scène par Michel Dumoulin..
Comme le narrateur d’Henry James, dans la nouvelle L’image dans le tapis, livre que je découvre abandonné sur une table de la bibliothèque dans une édition ancienne de 1957 par un lecteur désœuvré, ou comme en 1968, quand, à l’insu de ma mère, je lisais La Montagne magique, je suis à la recherche du secret que seule la lecture révèle. La couverture du livre rappelle celles de Gallimard mais elle est barrée par quatre bandes rouges un peu décentrées. La collection s’appelle Eaux vives et l’éditeur en est Pierre Horay.  Dans la préface, Marie Canavaggia, la traductrice, rappelle que James avait été frappé par le fait que la plupart des écrivains et donc leurs œuvres n’éveillaient qu’une molle curiosité.  Au contraire, à propos de l’auteur de La chambre des enfants, il est dit dans la note biographique ouvrant le volume, que « son œuvre rare, secrète, sans aucune complaisance, a fait un long chemin parmi plusieurs générations de lecteurs et d’écrivains». En consultant dictionnaires et essais, je note une expression utilisée à propos de L.R. des Forêts, ce mot, procès, le procès de la voix, évoquant à la fois le processus et le jugement, et me voilà mal à l’aise au bord de la chaise, à me demander ce qui se cache sous les mots et que peut-être je n’entends ni ne vois clairement. Insidieusement Kafka à nouveau se mêle à nous. Joséphine, et maintenant K. 
Sans oublier Henry James.
Quelle image dans le tapis, quel malade en forêt ?

Tout ce qui s’était passé, je m’en souvenais tout à coup, à cause de ce titre, du nom aussi de l’écrivain, de ce besoin impérieux de relire son récit. De cette lecture publique dans un château où j’avais cru glisser de ma chaise au sol tellement la voix de L.R. des Forêts m’avait émue. Sur mes doigts, j’ai compté mentalement combien d’années nous séparaient de cette lecture (1990) et de ce qui s’était produit à Avignon cet été-là, (1993). 
Qu’était-il arrivé au comédien ?

Pour compliquer les choses, en me livrant à quelques investigations, je m’étais aperçue assez vite qu’il y avait eu cette année-là deux textes de L.R. des Forêts mis en scène dans le cadre du Festival d’Avignon.  Il y avait donc eu deux comédiens différents dans le même lieu, jouant en alternance deux récits, l’un, Les grands moments d’un chanteur, extrait du recueil La Chambre des enfants, et l’autre, Le Bavard, un long monologue où là aussi l’importance de la voix était au centre de l’écriture.
Non seulement le malade et sa forêt m’échappaient, mais en outre, je me trouvais devant un obstacle dont je ne savais comment le détruire, ni même comment ouvrir une brèche qui me permettrait de savoir avec exactitude le nom du comédien et le texte joué, pour établir sûrement la véracité du fait auquel j’avais assisté, en plus de la représentation théâtrale.
Ma mémoire me jouait des tours, ce n’était pas nouveau et le lieu dans lequel pour moi s’était jouée l’affaire n’était pas le même que celui indiqué dans le programme du Festival 1993.  Avais-je entendu le récit du Bavard ou l’histoire du chanteur Molieri ? J’inclinais à penser qu’il s’agissait du Bavard, texte que j’avais beaucoup aimé quand je l’avais découvert, mais mon souvenir du comédien qui jouait ne correspondait pas au nom sur le programme. Ni le lieu.
J’étais dans une impasse.
Appuyée au chambranle de la porte, je n’arrivais pas à me décider sur la conduite à tenir.
Dans la bibliothèque, il n’y avait pas le texte que je voulais tant lire.
Et mes recherches ne m’apportaient aucune réponse satisfaisante concernant ce qui me préoccupait.
Sur la table, Henry James se moquait de moi.
Je lisais des nouvelles. Celles de James, celles de des Forêts.
Tout le premier paragraphe de La Chambre des enfants pourrait servir ici d’indice. Mais je ne suis pas sûre de mon fait si je suis certaine d’avoir assisté à une scène de folie maternelle d’une rare intensité, dans un cadre public, au moment d’une représentation théâtrale donnée au Festival d’Avignon, cet été 1993.
Ces événements qui arrivent en dehors de nous et qui sont avérés (lors de cette représentation, une centaine de spectateurs étaient présents, peut-être davantage), frappent d’autant plus notre esprit que nous les redécouvrons, après les avoir enfouis sous des strates nombreuses, durant des années.  Néanmoins, lorsque nous les retrouvons,  ils forment les maillons d’une chaîne qui accompagne, nous semble-t-il, notre chemin et nos préoccupations. (Il en est d’autres, plus minuscules, sans autre témoin que nous-mêmes et ceux-là aussi constituent une sorte de chaîne. Comme cette paire de jolies chaussures blanches posées sur un rocher, au bord d’un torrent et personne aux alentours, à part moi.  Lors de cette « rencontre », j’étais absolument seule, c’était le matin très tôt. J’y ai vu le clin d’œil malicieux  d’un ami invisible qui a jalonné ma route depuis l’enfance avec des chaussures en tous genres, abandonnées en ville ou en campagne, en France ou à l’étranger, comme un geste de tendresse pour que je ne désespère pas du monde. Peut-être mon père, ce grand invisible, parti depuis si longtemps ?)



Bonjour,
En réponse à votre demande, il y a eu 3 lectures et 2 spectacles en hommage à Louis René des Forêts en 1993 au Cloître du Collège d’Annecy pendant le Festival d’Avignon et rediffusés par France Culture par la suite :
Le Bavard spectacle de Charles Berling à partir du 12 juillet
Les Grands moments d’un chanteur, spectacle de Pierre Leenardt
les Mégères de la mer, lecture d’Alain Cuny
Ostinato, lecture d’Alain Cuny avec la voix de Maria Casarès
Textes inédits lus par Louis René des Forêts le 19 juillet, lecture unique.
Ce n’était pas au Verger d’Urbain V comme annoncé sur la base des spectacles du site du Festival. Il y a une erreur que je vais demander de corriger.

Bien cordialement,
Marie Claude Billard
Conservateur
Maison Jean Vilar

Loin de s’éclaircir, ai-je pensé à la lecture du message amical de ma correspondante, le mystère s’épaissit. J’avais une piste. Plusieurs indices. Je savais le nom du metteur en scène : Michel Dumoulin. Le cloître du collège d’Annecy est inconnu à la plupart des festivaliers qui fréquentent Avignon. C’est aujourd’hui un restaurant, rue Vernet.  Mais mon souvenir n’était pas faux. Le lieu, je le revoyais clairement. Ce qui n’arrangeait mon affaire, c’est que les deux comédiens avaient joué dans le cloître du Collège d’Annecy.
Dès lors, qui était le malade ? Qui, la forêt ?
Mère et fils ?
Comme dans la nouvelle de James, je pouvais poursuivre la quête de la vérité sans jamais parvenir à autre chose que des bribes d’indices. Avait-ce d’ailleurs une importance de savoir qui des deux comédiens avait été rudement interpellé lors de la représentation ? Davantage peut-être, l’impossibilité de me souvenir, non de ce que j’avais vu et entendu comme témoin,  mais de laquelle des deux nouvelles j’avais été spectateur, me troublait.  Ainsi je me souvenais clairement de l’incident, mais pas du texte représenté.
En quoi cela importait, je ne saurais le dire.
C’était une démangeaison, un prurit, une obsession que je faisais partager à mes proches, leur posant sans cesse les mêmes questions.
Jetée en pleine confusion, je me découvrais aussi inconsistante et bavarde que certains personnages de des Forêts, Molieri par exemple.
Ranger ma table de travail, dans un indescriptible désordre, était de nature à apaiser ma curiosité en occupant mon esprit à des tâches ordinaires. Laver du linge aussi, ou encore repasser. Méthode Thomas Bernhardt.
Au bord de la chaise, face à la table, ne pas glisser, ne pas céder au découragement.

Et ce matin, cette phrase d’Ashby de Pierre Guyotat :
« Elle prit le château, cette forêt, elle me prit. »,
réduisant à néant l’inquiétude, la transformant en une joie sylvestre.
A nouveau le bateau s’éloigne sous les ombres bleues des arbres, vers le profond, l’inaccessible joyeux du sommeil et du rêve. L’histoire se prolonge plus loin, et je m’endors enfin. Comme le malade, comme la forêt. Comme les enfants épuisés et repus de songes.

jeudi 22 août 2013

"Je n'ai rien à t'offrir pour Noël qu'un rêve que j'ai fait..."

Bizarre que cette phrase de Claude Cahun...
Te plaise autant?
Chaque matin nous revenons de pays lointains et familiers où.
Tout semble évident malgré l'étrangeté des situations.
Exactement, cette nuit j'ai dormi dans une auberge où.
Et tu veux m'offrir ton rêve même si ce n'est pas Noël.

Il fait frais. L'été finissant parle un peu ce matin la langue de la saison prochaine. Le café n'est pas très bon mais Bosseigne n'a pas fait la moindre remarque. Je n'ai pas trouvé la marque italienne dont nous sommes amateurs. Me suis rabattue sur un café du Costa Rica. Mais le pain grillé nous a réconfortés. L'odeur. Le goût.

Au fait tu as regardé ces livres que j'ai retrouvés dans un carton? Ils viennent de loin, eux aussi.
Ils m'ont été si précieux. De les revoir là,
Tu ne savais plus qu'ils existaient?
J'ai retrouvé quelques sentiments d'enfance, le rouge de la couverture du Stevenson et son titre que j'ai cherché longtemps, le confondant avec un titre de film, et toi tu les déposes sur la table, comme ça, avec simplicité et tu dis: tu as vu les livres que j'ai retrouvés dans un carton.
Simplement, oui.
Et puis cet amusement de revoir l'anthologie de Brasillach, mon désir d'alors d'engloutir la culture classique dont je me sentais éloignée, tenue dans la distance avec les grecs, on ne m'a pas laissé apprendre le grec, seulement le latin, une vieille rancune,
Un regret plutôt.
Non, il me semble que. Peut-être non. Mais là, Empédocle rougissant devant la fournaise!
Et ce beau dessin sur la couverture malgré le nom de Brasillach.
Picasso.
A la fois le dessin et la poésie. La Grèce aussi, ce mystère.
Nous n'y sommes jamais allés.
Ecoute:
Je te dis encore: il n'y a de naissance pour aucune chose mortelle dans l'univers créé,
Et la mort funeste ne met fin non plus à aucune existence,
Il n'existe qu'une fusion et qu'une dissociation des éléments rassemblés,
Et c'est à ce phénomène que les hommes ont donné le nom de naissance.
Empédocle?
Oui, et:
C'est par la terre qui est en nous que nous connaissons la terre, et l'eau par l'eau,
Et par notre air l'air divin...
Ce dernier hymne évoque à la fois Emily Dickinson et Bernard Noël. Comme une coïncidence. Un rapprochement qui nous redonne espoir, le temps et l'espace à portée de main, réunis dans la poésie.
Finalement c'est moi qui te fais un cadeau en réveillant tes livres de jeunesse. Et le poète porte un nom de présent.
On y revient toujours et avec le même sentiment du don et de la perte.
Pas de mélancolie: les livres sont avec nous, sur la table, aussi odorants que le pain et le café. Vieux parfum du passé mêlé à celui d'aujourd'hui. Sans tristesse aucune ni regret.
Lorsque le terme est dépassé,
Ce qui vient n'est pas le bonheur.
Ni toi ni moi n'en sommes là.
Sophocle!

Un moment nous sommes restés à nous taire et j'ai repris le livre aux beaux dessins de couverture et eu envie de lire cet extrait de Paul le Silentiaire à mon cher Bosseigne:

Jetons, ô ma beauté, nos vêtements au loin,
Serrons-nous bien dans nos bras, corps à corps, nu à nue.
Ne garde rien sur toi, le plus léger tissu
Entre nous me semble un mur de Babylone.
Unissons nos bouches, unissons nos peaux.
Mais silence à jamais: pas un mot pour personne.
Je hais qui ne sait pas garder un secret clos.


Mais je me suis bien gardé de le faire.
Alors j'ai pris le livre rouge de Stevenson, publié en 1936 dans la collection Juventa des éditions Delagrave, que m'avait offert un vieil ami de la famille, parent par alliance de mon père, l'homme qui m'apprit la preuve par neuf, et qui est enterré par une bizarre coïncidence dans le cimetière de la petite ville que nous habitons, Bosseigne et moi. Et j'en ai commencé la lecture à voix haute:

Une certaine après-midi de la fin du printemps, on entendit sonner à une heure inaccoutumée la cloche de Moat House, le manoir de Tunstall.

La traductrice est Henriette Rouillard.

Une autre coïncidence : Thierry Vernet, dans la correspondance avec Nicolas Bouvier, évoque plusieurs fois des textes de cette anthologie réunis par Robert Brasillach. Jamais il ne dit un mot sur cet homme, taisant son indignité. Mais cite des poètes. Choix, traductions, notice, Robert Brasillach. Livre publié en 1950.
Et voilà tout.
Pour aujourd'hui.


mardi 20 août 2013

Le suisse de Nicolas Bouvier.

Il y a des coïncidences de mots comme.
Des coïncidences de faits?
Des sortes de.
Oui, des connexions, des télescopages.
C'est ça, télescopage, jolie expression pour dire.
Que notre existence est remplie de télescopages, parfois brutaux!
Et parfois doux à entendre.
Encore des mots, alors?
C'est le matin, la pensée est fraîche et les rêves ont été tendres.
Alors?
Le bleu du ventre du rollier hier dans les blés coupés, une douceur.
Et?
Ce mot trouvé chez Bouvier, en ce moment compagnon de l'été, la roille.
Suisse à nouveau?
Je m'y prépare.

Encore un matin d'été, mais déjà plus frais, presque automnal, feuilles rongées de rouille dans l'herbe que le vent a apportées cette nuit. Sol jonché, piqueté, craquant sous le pas. Et nous, devant un thé fumant. Du Ceylan. Entorse à la règle. A cause de nos lectures, me suis-je dit, en regardant la théière.

Tu pars bientôt.
Et toujours aucune nouvelle du fauteuil.
Ma thèse se finit doucement, comme un été.
Bouvier a de ces manières de raconter qui parfois me touchent si juste que j'ai l'impression qu'il m'écrit à moi et non à Thierry Vernet. La roille, c'est lui. Une forte pluie.
Et la Suisse?
C'est là où est Vernet. Mais je saute souvent ses lettres. Celles de Bouvier m'emmènent là où je dois être.
Entre roille et rollier?
Exactement. Dans ce mouvement de départ et de retour qui est l'écriture même. Et le silence entre les deux, et aussi cette santé dont on comprend qu'elle entrave le voyageur mais aussi justifie son immobilité à Galle.
Parle-moi encore de l'oiseau.
Aperçu hier en remontant de T.
Oui?
Blés coupés, à ras, on sent la dureté des tiges dorées sous le pied nu. Et miracle: l'oiseau bleu se pose, s'envole, revient et s'en va. Je me suis arrêtée pour le regarder, un enchantement dans la chaleur de l'après-midi.
Et aussi?
Cette joie d'avoir pour soi deux mots à mettre ensemble, tu entends? Roille, mot tout neuf pour nous, et rollier, oiseau que je n'avais pas vu cet été. Oui une belle joie de rencontrer à peu de distance ces deux-là, comme des amis retrouvés, ou plutôt comme si l'un, connu déjà et aimé, nous présentait un ami cher qui devenait à son tour etc...
Du coup la Suisse...
Est entrée dans nos journées et se rapproche assez joyeusement. Et surtout Nicolas Bouvier, un ami suisse. Il y en a d'autres. Et même portugais.
Tu sautes par dessus les frontières et les pays!
Oui, mais la Suisse, c'est pour bientôt.

Malgré l'inquiétude, ai-je pensé. Bosseigne souriait. A quoi bon évoquer cette peur silencieuse? Je verrai la Suisse de ma mère et j'en reviendrai guérie. Sans doute. Portant avec moi un vase rempli de cendres et relisant les mots de Robert Walser, ashes, ashes, je laisserai ma mère là où notre famille en fuite vivait, avant l'exil, avant Marseille. J'essaierai de ne pas voir cette femme agenouillée sur les bords de la Deûle pleurant son enfant morte, elle, la meurtière. Ou ce père et cette mère pendus et leurs enfants empoisonnés par leurs soins. Ou au loin la mère de Djokaer. Je délaisserai pour un temps l'histoire du fauteuil et peut-être celle des fils et des filles.

Quand tu seras en Suisse, qui sait? Peut-être aurai-je des nouvelles du fauteuil et même peut-être irai-je le chercher? Ce serait drôle, non?
Espérons!
L'espoir, c'est le passé. Ce qui m'intéresse est un présent.
Compris! Je rapporterai de Suisse des mots et des couleurs, comme la couleur fauve qu'on trouve dans le Jorat, en automne et les mains des aimés, ceux de Gustave Roud, tu te souviens? Des présents suisses, suite d'instants!

Puis le vent.
Froid et fort comme un hiver en été.
Un hercule des arbres, jouant à les malmener joyeusement, tel est le vent dans ce pays.
Et mon parent et moi, avec, sur la table, deux petits mots, comme oisillons.
Et je me demandais en voyant les nuages au ciel si rapides,
lesquels étaient fragiles, lesquels étaient forts.
Nous ou les mots?
On a besoin de café, a dit Bosseigne. Tu iras en acheter?
Plus de thé alors?
Pour aujourd'hui, c'était en accord, mais demain...
Du mexicain toujours?
De l'italien cette fois. Voyageons un peu, vers les Cinque terre, ça te dirait?

Encore une fois, Bosseigne a gagné la partie, me suis-je dit, un peu plus tard dans les rayons du supermarché.
Oui, Bosseigne a raison, choisissons un peu d'Italie pour le matin, l'été s'attardera un peu au jardin.
Et j'ai fait provision de café italien.
Au moins pour tenir jusqu'au départ suisse.
Allons, un peu de courage!
Et je suis revenue vers la maison.





dimanche 18 août 2013

Deûle tueuse, Deûle endormeuse


Emportant dans ses eaux,
L'enfant, l'homme, la mère.
Emportant en ses courants,
Et les larmes aussi, sans cesse.
Emportant.
Le courant, ces lettres, le C initial, la syllabe nasale finale.
Comme dans cornard.
Rien à voir. Ici la Deûle endormeuse comme la Meuse mais douloureuse tant.


Et l'enfant belle enfant et la mère à son lit dormant.
Mais pas de berceuse, seule la mort dans l'eau et l'enfant avec elle. Et nous, incapables de voir autre chose ce soir que la femme agenouillée au bord de la Deûle comme au bord d'un lit.
Et ce mot incongru de cornard, et la poésie de Peter Diener qui parle de lim lom. On ne sait pas où se mettre.
Il fait lourd.
La mère au chevet de l'enfant disparue, celle, petite, sa fille, la rivière au mauvais nom de douleur.
Et toi, là, abruptement, tu prononces ce mot: cornard.
Lu ce matin, les yeux pleins de larmes à cause que.
Dirait James Sacré.
Dirait ma mère c'est elle qui.
Cornard?
Oui, et surtout mon grand-père, son père.
Qui disait?
Cornard en parlant de mon père. Le cornard.
Et tu lisais quoi?
Un roman portugais, La couverture du soldat, Lidia Jorge.
Et tu t'es souvenu que ta mère, ma tante donc, disait.
Surtout mon grand-père, oui, le disait et moi je ne savais pas le sens du mot. Et avais même oublié le mot. Un mot rare.
Assez vulgaire en plus. 

jeudi 15 août 2013

Cheveux et pieds, et entre les deux, yo!

De retour.
C'est-à-dire que quelque chose s'est arrêté. Et que.
Quelque chose a continué?
Oui, en général, c'est comme ça qu'on parle des vacances.
Je suis partie si peu de jours.
Mais partie.
Et revenue sans fauteuil!

Nous avons ri, comme il arrive que nous rions, quand le matin est frais, que le vent s'est assagi.
Et que le café.

Est bon! Tu as changé de marque?
Toujours mexicain.
Excellent pour commencer.
C'est le plus difficile, commencer.
Je pense aux paroles de Sergio Larrain et je revois sa manière espagnole d'écrire en anglais.
Tu pourrais l'écrire?
Je ne sais pas si c'est le mot.
Quel mot?
Ecrire une faute d'orthographe ou la raconter, mais son travail est de cet ordre. Je sais que ça n'a aucun sens, mais j'étais saisie devant ces textes, les siens, projetés sur un écran, son dernier oeuvre, avec sur le papier qui emballait le cahier, le prénom AGNES, et les dessins, et cette injonction que le présent est le seul temps possible, avec cette ambiguité en français du mot présent, le don et le moment, dont j'ignore si en espagnol...
Il était chilien. Et tout de suite ce mot m'emporte loin. Comme le nom de la ville de Valparaiso. Voyage est lisible sous ces mots.
Toi aussi.
Ai-je dit à mon parent Bosseigne et puis quoi, rien à ajouter. Rien. Un silence de petit déjeuner. Un silence de commencement. Nous avions vu la veille une exposition du photographe Sergio Larrain. Nous en étions revenus silencieux et presque sans inquiétude.

Et ce poème sur le mot sombra. La supériorité tout à coup d'une langue sur une autre, parce que venue là, venue de là, je ne sais pas comment dire ça, a repris Bosseigne.
Une supériorité de circonstance?
Non, je ne crois pas. Ni totale. Simplement le poème espagnol.
Plus beau que ses traductions?
Plus. On ne sait quel adjectif donner. Venu, oui, d'un artiste dont la langue et le regard s'étaient nourris l'un de l'autre. Et une langue forgée loin du pays d'origine de cette langue. Ce sont des choses comme ça qui me sont revenues aussi. Ce que nous essayions de comprendre de la langue ces derniers temsp, avant ton départ. La langue de l'ennemie reprise, comme une forteresse qu'on reprend et dont on fait une maison.
Une langue-maison. Mais pas dans le sens.
Oui, je sais. Maison tout de même où abriter des mains et des pieds, des yeux aussi et des corps, comme cette Maja desnuda qui s'avance dans la salle du bar à Valparaiso et qui sourit avec timidité en dévoilant sa nudité.

Et ce sentiment du photographe-poète que sous la modernité résiste un vieux monde.
Que longtemps on a appelé le Nouveau Monde, quelle sottise!
Mais ici, dans ces images, ces textes, une sorte de bonté sans niaiserie, une manière de montrer les animaux et les hommes avec le même regard, comme la langue espagnole dans le poème, et essayer de voir ensuite, en quittant l'église où étaient exposées les photographies de Sergio Larrain, ce chien sautant dans la fontaine et nous éclaboussant.
Mais une dureté nouvelle, oui, une brutalité peut-être...
Ce père grondant sa fillette et exigeant le pardon, oui, ce mot terrible.
Et nous avons quitté la place.
Sans rien.
Avec la lumière sombre de Sergio Larrain, non?
Oui, mais saurons-nous la faire vivre?
Il demandait à ses amis de Magnum de donner au temps toute sa place.
Savoir s'arrêter?
Oui, et voir.

Comme toi, ce matin, devant la coccinelle?
Morte.
Mais vivante aussi et la langue, avec elle, qui le dit.

Bosseigne, incorrigible optimiste, ai-je pensé. Et nous avons rangé les bols et les tasses.
Le soir serait frais, comme le matin.
Entre les deux, la journée.
Comme entre les cheveux et les pieds, moi.





mardi 13 août 2013

Petits miracles du désert


Petits miracles.
Comment ?

C’est la manière qu’ont les finlandais de dire êtres humains.
Pour moi surtout oiseaux, insectes, renards, chats, chiens.
La langue revient et traverse le sens. De gauche à droite, de droite à gauche. Telle langue écrite et lue.
Petites hirondelles apprenant à voler, par exemple. Et s’élançant malgré la peur.
Bien la chose qui nous retient le plus, cette émotion-là.
Mais les parents autour en volant incitent les jeunes à les rejoindre.
Et ?
Ils se lancent.
Depuis l’enfance jusqu’à la mort.
Que veux-tu dire, là.
Les cigales par exemple ou les libellules. Il paraît qu’il est impossible de filmer le vol d’une libellule. Alors on épingle. Papillons, scarabées, libellules. Des insectes et puis nous, en face à les regarder. Notre esprit cherchant à comprendre.
Quoi ?
Rien. Ou plutôt. Cette interruption permanente de la pensée devant la nature, devant le rocher, la forêt. Ca s’arrête. Enfin moi.
Mais non. Tout se poursuit et toi.
Aussi, oui. Et ce mot, oui, philosophique. Mais non parfois.
Aussi, rétorque mon parent. Retoque, pourrais-je dire.
Certaines cigales sous terre pendant plus de cinq années et ensuite vivent huit jours, quinze et pondent un œuf puis meurent.
Pendant ce temps certains oiseaux vivent plus longtemps que les humains.
Et les chiens si peu à vivre en compagnie de leur maître, me disait le poète Pennti Holappa.
Si peu mais quand tu te fais âgé tu n’oses plus reprendre un chat ou un chien, parce que tu vas mourir avant lui et alors…
Comme le reste. Livres, objets aimés, souvenirs, tout s’en va à l’encan.
Tu avais commencé par le mot miracle et te voilà bien triste ce matin.
Restons-en là, ai-je soupiré, me rendant compte du tour que prenaient mes paroles, sans doute dû à un excès de gourmandise la veille au soir.
Et puis, reprit mon parent, le vent du nord chasse les idées noires en nous apportant un peu de fraicheur. Ce n’est pas l’hiver, non, juste une pause dans la chaleur étouffante de l’été. Cesse donc de vivre comme si tu allais mourir dans une heure !

Et Bosseigne a éclaté de rire.

C’est à cause de toute cette histoire, ai-je repris. En considérant les initiales du poète Maxime H. Pascal, je me suis souvenu d’autres initiales. MHP. Et de là…
Oui ? Oh, cette manière de laisser en suspens celui qui t’écoute !

Comment parler encore ? Ces initiales de MHP m’avaient si longtemps tourmentée. Pour une obscure raison, mauvaise sans doute, jalousie du manteau bleu à col d’hermine supposé, de la voiture avec chauffeur, du sentiment d’injustice sociale. Envie, jalousie, péchés capitaux. Mais mon parent est aussi mon ami, me suis-je dit, mon compagnon.

Dominique Savio, tu connais ?
Pas du tout, c’est quoi encore, cette histoire ?

Et mon parent semblait s’amuser beaucoup. Alors je me suis mise à raconter. Mais quoi ? Je ne savais pas très bien où ça allait mener. Comme souvent, on tire un fil et puis rien ne se passe. On se retrouve avec une pelote informe. On rit un peu, c’est tout. Ou pas du tout. Je me souvenais de cette sorte de parabole qu’avait voulu nous transmettre une religieuse qui nous faisait le catéchisme. Un garçon à qui on demande ce qu’il ferait si la mort venait le chercher dans une heure et qui répond : rien, je continuerais à faire ce que je serais en train de faire. Prier, jouer, manger. Ce garçon, une fois mort, est  devenu un saint. Et dans mon esprit d’alors, il virevoltait mort sur des patins à roulettes comme Rose de Lima est morte pour racheter les péchés de sa mère à la vie dissolue.

Deux récits édifiants !
Mais faux.
Comment ça ?
Je crains d’avoir tout inventé.

Là, nous nous sommes arrêtés. Le matin était frais, presque trop frais pour un mois d’été. Je suis allée chercher un pull. Bosseigne a refait du café, chose qu’il ne fait que rarement. Il fallait nous réchauffer, et me réconforter. Je l’ai attendu assise sous l’arbre, en frissonnant un peu. A son retour, j’ai évoqué Claude-Louis Combet et son récit sur Sainte Rose de Lima. Mes recherches sur le personnage de Rose après ma lecture.
La découverte de la vérité. Rien de ce que j’avais cru n’était vrai. J’avais imaginé une jeune fille du XX° siècle, Rose vivait au Pérou au XVII° siècle. Ses parents étaient de bons chrétiens d’origine espagnole. Elle se mortifiait, mais pas du tout à cause de la vie mauvaise que menait sa mère que j’avais cru adultère et frivole.

Ce que t’avait fait croire la religieuse pour te faire culpabiliser à propos de ta mère ?
Peut-être. Peut-être pas.
Tu t’accuses toi-même d’avoir falsifié la vérité ?
Je n’en sais pas plus. Il y a aussi une brochure en couleurs que je voulais acheter. J’en avais très envie et je la revois, me semble-t-il, avec toute une imagerie sud-américaine contemporaine très colorée. La mère de Rose allant danser avec des mariatchis…
Et alors ?
Mon père n’a pas voulu me donner l’argent. Il n’aimait pas que j’aille dans une école catholique.
Et ta mère, ma tante ? Pas vraiment orthodoxe dans sa manière de croire !
Oui, mais elle ne m’a rien donné non plus et je ne sais pas si j’aurai osé lui demander tant il me semblait que la brochure parlait de notre histoire familiale.
Donc on t’aura raconté cette histoire ? Tu ne l’as pas inventée ! Ton père avait raison de ne pas vouloir te mettre dans ce genre d’école !
C’est ma mère qui voulait que j’aille chez les sœurs. Ils étaient déjà divorcés quand je suis entrée à l’école.
Je sais, mes parents m’ont un peu éclairé sur le sujet.
Ils sont morts trop tôt.
Ils sont morts ensemble. C’était étrange quand j’étais au lycée de dire : je suis orphelin. Et la question venait tout de suite : il te reste au moins ta mère ou ton père ? Non, ils sont morts tous les deux, ensemble. C’était le silence ensuite. Aucune autre question possible après ça.
Comme après Dominique Savio et Rose de Lima.

Le café de Bosseigne n’a pas réchauffé la conversation.
Mais le soleil s’est mis à briller plus fort. Miracle ?




jeudi 1 août 2013

Croquer le marmot, ça ne mange pas de pain, dit Bosseigne.

Nos conversations sont ralenties, en raison de la chaleur, me suis-je dit ce matin en posant les pieds nus sur la terrasse.
Trop d'adjectifs dans cette phrase. J'en ai barré deux.
Nus, à conserver. Même si c'est un détail. Mais.
Ai pensé à une remarque d'une amie sur le style. Un écrivain américain dont elle et moi n'arrivions pas à prononcer le nom, et un autre, sud africain qui au contraire. Beauté d'un style. Trop, pas assez. Juste. Comme en cuisine, pour les épices, aurait pu dire mon parent, Bosseigne. Au profond de la maison il travaille.
Moi, entre la chambre et le salon, à perdre le temps qui reste.

Le jour, nous prenons rarement nos petits-déjeuners ensemble. Ayant pris l'habitude de vivre chacun de notre côté quand l'été devient excessif.
Seuls la nuit, à regarder inlassablement le ciel que découpent les feuillages.
Nous restons nez en l'air.
Quelquefois allongés dans l'herbe sur une couverture.
Quelquefois dans un fauteuil (pas celui tant attendu, toujours pas revenu).
Ou sur un hamac.
Nous parlons de loin en loin.
Bribes de ciel, bribes de mots.
Bribes de.

C'est comme cette histoire de détails, ai-je pensé en regardant une étoile sur la page.
Tu as vu une étoile filante? a demandé Bosseigne.
Cette nuit, oui, dans le cadre de la fenêtre ouverte.
Et alors?
Rien, je pensais à la nécessité de mettre un adjectif avec fenêtre.
Marmonnement indistinct de Bosseigne.
La beauté, ai-je repris. A cause du style. 
Heureusement que la température baisse la nuit.
Oui, mais le problème, lui, demeure.

Si tu précises les pieds nus, c'est que ce détail a son importance, non?
Oui, ou plutôt je ne sais pas. J'avais en effet les pieds nus. Et la fenêtre était ouverte.
C'était qui, cet écrivain à adjectifs?
Je ne sais plus, un américain, oui, pas du genre Hemingway.
Faulkner utilisait beaucoup d'adjectifs?
Je ne crois pas. Non. Mais Proust oui et pour moi il compte.
Alors, c'est comme la soie et le lin.
Dans les textes?
Non, les tissus. Il faut savoir construire un cercueil de lin ou une montgolfière de soie. 
Tu embrouilles le sujet dans des fils à couper le beurre!
Croque le marmot, ça ne mangera pas de pain! 

Nous avons ri. Presque en silence. A cause de.
La nuit.
De cette peur de déranger les étoiles. 
Celles de Schuman comme celles de Sebald.
Celle de ma fenêtre aussi.
Filante.

Donne-moi de la beauté.
A dit ma mère avant de mourir.
Et dans le cloître sans dieu
sa présence tourbillonnait
comme foudre.
Elle, l'invisible.